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Q&R de Harry : Siphe November du Ballet national du Canada

Le danseur principal du Ballet national du Canada parle de l’importance de la danse et de faire le travail.

Par: Ben KrizDate: 2022-03-13

Bien qu’il soit calme et s’exprime d’une voix douce Siphesihle November dégage une saisissante intensité. Formé en danse classique au Ballet national du Canada, il a rapidement gravi les échelons pour atteindre la nomination de danseur principal (la distinction suprême au sein d’une compagnie de ballet) et lorsqu’on discute avec lui on se rend compte à quel point il prend son métier au sérieux et l’amour qu’il porte à son travail.

Siphe (prononcé si-pé) développa sa passion pour la danse durant son adolescence dans les rues de sa ville natale de Zolani, une petite communauté agricole à près de deux heures de Cape Town en Afrique du Sud. Avec ses frères il y dansait le Kwaito pour la communauté. C’est à la suite d’une rencontre avec Fiona Sutton Sargeant de Dance For All (une organisation qui introduit le ballet dans les townships de l’Afrique du Sud) que le ballet classique a fait partie de son œuvre. Cette expérience jumelée à la précision et la grâce du ballet classique lui ont permis d’atteindre la position qu’il occupe aujourd'hui.

Nous avons rencontré Siphe lors de sa participation à la séance photographique de notre nouvelle campagne du printemps pour discuter de ses débuts et ce qui inspire à la fois sa danse et son style.

Comment avez-vous découvert la danse?

C’est ma famille qui m’a fait apprécier la danse. Mes grands frères dansaient – un style de danse africaine - dans la communauté. Je me suis joint à eux aussitôt que je fus assez vieux pour le faire. Et à partir de là, j’ai été initié au ballet par une femme nommée Fiona Sargaent, qui offrait des cours de ballet communautaire deux fois par semaine. Elle a su que mes frères et moi étions danseurs et elle voulait plus de gars dans sa classe. Elle tenait également à ce que les jeunes de la communauté considèrent la danse et le ballet comme la chose la plus cool à faire. Et puisque nous étions parmi les danseurs les plus cools de la région, elle s’est dit que si nous en faisions partie, son programme aurait du succès. Nous avons décidé de participer à ses cours de ballet à condition de pouvoir exécuter notre style de danse dans les spectacles qu’elle organisait au printemps. C'était le compromis, et elle offrait un espace de studio. C’est ce qui m’a amené à faire du ballet.

A-t-elle réussie? Est-ce que cela a contribué à ce que la communauté considère autrement la danse et la ballet?

Je pense que le fait d'être ici, et d’avoir été capable de pratiquer la danse professionnellement… maintenant, oui. Je remarque qu’à chaque fois que j’ai l'occasion de réussir, de pousser encore plus loin, et de devenir meilleur, de plus en plus de jeunes veulent le faire. Alors je pense qu’à long terme – oui elle a réussi. C'était définitivement une période intéressante.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur la culture de la danse en Afrique du Sud?

Je dis toujours que la danse est un langage de vie puisque nous sommes naturellement nés pour danser, même si on ne le ressent pas. C’est une façon de se lier et de communiquer les uns avec les autres. Je pense que la culture africaine embrasse cette idée. C’est inscrit profondément dans notre manière de communiquer entre nous, utilisant notre corps pour exprimer la musique.

La danse est un lien. C’est un des moyens de communication fondamentaux de l'être humain, une façon de percevoir les sentiments, d'abord par le corps, avant de dire quoi que ce soit. Ça permet de visuellement comprendre ce que les mots ne pourraient aussi bien exprimer. Le corps est capable d’exprimer à travers la danse une complexité émotionnelle. C’est comme ça que je l’ai toujours perçu. Et c’est ce que j'essaie de transmettre quand je danse.

Qu’est-ce qui inspire votre danse et ce que vous faites?

Ce qui m’inspire le plus sont les gens et l'humanité. Je m’estime très chanceux et privilégié de pouvoir m’exprimer à travers la danse, et de toucher la vie des gens, ou de faire partie de leur propre conscience de soi. Je suis inspiré tous les jours par l’espoir de réussir à faire ça. Mes frères sont une de mes plus grandes inspirations, dont mon frère qui est danseur et une légende. Mes collègues aussi m’inspirent au quotidien.

Lorsque vous vous préparez pour un spectacle, comment faites-vous pour donner le ton et vous mettre dans le bon état d’esprit?

La façon que je trouve mon ton est simplement de me rappeler que j’ai travaillé fort. Mon but est d’offrir aux spectateurs une expérience qu’ils n’ont jamais ressenti auparavant. Et la seule façon d’y arriver est de savoir que j’ai bien fait mon travail. Si je m'appuie sur cette idée, la magie opère. Je crois que c’est comme ça que je parviens à bien me préparer et à donner le ton à la façon dont je vais entrer en scène et à l’interprétation que je m'apprête à donner.

Parlant de donner, êtes-vous impliqué dans la communauté en ce moment?

Je suis chanceux d'évoluer dans un milieu de travail inspirant et qui me permet d'être une source d’inspiration dans d’autres milieux également… sachant d’où je viens et comment je me suis rendu où je suis aujourd'hui. J'essaie de donner l’exemple sur scène et lorsque j’enseigne aux enfants, ou quand je participe à des symposiums et que je m’adresse aux leaders de la communauté pour savoir comment je pourrais apporter mon aide et me rendre disponible pour les autres. Une chose sur laquelle je travaille en ce moment est de créer un studio dans mon pays (en Afrique du Sud) qui pourrait cultiver ça et redonner de la même façon que j’ai commencé. Je veux que les enfants – et surtout les enfants défavorisés – sachent qu’ils sont humains, et qu’il y a des liens qui nous unissent sur une base fondamentalement humaine. Il y a beaucoup de travail à faire dans plusieurs choses en arrière scène qui vont arriver.

Qui influence ou inspire votre style personnel – autant dans votre manière de vous habiller que de vous comporter?

Mon style n’est pas influencé par une seule personne ou un groupe en particulier, je crois qu’il est surtout influencé par mon humeur quand je me lève le matin ou celle de la veille. C’est comme une thérapie pour moi, me réveiller et décider ce que je vais porter. C’est mon moment zen. Un moment de réflexion. C’est un de mes plus grands plaisirs. J’adore voir ce que j’ai et d’essayer différentes choses en les interchangeant pour voir ce que ça donne. C’est vraiment une question d’exprimer ce que je ressens. Si je me sens bien dans ce que je porte, alors je peux garder cette énergie durant toute la journée. Et bien sûr, il y des designers incroyables… j’adore Rei Kawakubo, Jerry Lorenzo... pour moi c’est la simplicité du luxe et de la sophistication.

Voyez Siphe November sur scène lors du retour en salle des spectacles du Ballet national du Canada dès le 2 mars.