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Donner le ton avec l’acteur et entrepreneur Emmanuel Kabongo

Par: LES RÉDACTEURS D’HARRY ROSENDate: 2020-09-21
« C’est ma mère qui m’a appris à bien m’habiller. Tout le mérite lui revient », déclare l’acteur Emmanuel Kabongo. La famille passe avant tout pour cet artiste torontois en pleine ascension.  C’est un sujet sur lequel il revient sans cesse au cours de la conversation, surtout les enseignements qui lui viennent de sa mère. Humble, chaleureux et courtois – alors qu’il n’a que 33 ans, il affiche une sagesse exceptionnelle pour son âge. 

Les parents d’Emmanuel Kabongo souhaitaient que leurs cinq enfants échappent aux menaces de violence qui se manifestaient constamment au Zaïre. Après avoir été intimidés par les soldats rebelles en 1993, ils ont abandonné leur vie confortable dans leur pays d’origine pour fuir en Afrique du Sud, en attente de déménager au Canada. Le père d’Emmanuel est venu en premier pour préparer leur nouvelle vie pendant que le reste de la famille est demeuré à Johannesburg. Ce fut une période difficile, n’ayant souvent pas assez d’argent pour se procurer de la nourriture et devant fréquemment se déplacer car ils n’arrivaient pas à payer le loyer. Les enfants pouvaient toutefois compter les uns sur les autres. Ils s’amusaient ensemble tout en rêvant de devenir des étoiles du soccer et s’efforçaient d’aider leur mère à s’en sortir. 

Après cinq années de travail acharné (souvent comme figurant), le père des Kabongo a réussi à amasser assez d’argent pour faire venir sa famille. Après des temps difficiles, ils se sont enfin tous retrouvés au Canada, un pays riche en possibilités pour les jeunes enfants, un lieu où il est possible de rêver et de s’épanouir. 

Vers l’âge de treize ans, probablement inspiré par le travail de son père, Emmanuel a voulu devenir acteur. Tout comme son paternel, il a d’abord fait de la figuration (notamment dans la comédie américaine Mean Girls – Méchantes ados au Québec – mettant en vedette Lindsay Lohan). Il a ensuite mis sa carrière d’acteur entre parenthèses pour rejoindre ses frères et sœurs dans la pratique du sport. (Sa sœur Vanessa a décroché une bourse d’étude pour fréquenter l’université du Delaware et son frère Myck a joué au basketball à l’université du Texas.) Emmanuel est aussi parvenu à obtenir une bourse de l’université du Nouveau-Brunswick, mais il avait attrapé le virus du métier d’acteur et compris qu’il ne pourrait rien faire d’autre. « J’ai décidé de faire preuve d’audace, de tenter ma chance et j’ai réussi », ajoute-t-il. 

Cette intrépidité lui a valu des rôles dans bon nombre de films indépendants et séries télévisées comme Rookie Blue (Les recrues), FlashpointMurdoch Mysteries (Les enquêtes de Murdoch) et 21 Thunder (L’équipe du tonnerre) diffusée sur Netflix. Son succès au Canada l’a amené jusqu’à Los Angeles. D’ailleurs, plus tard cette année, Emmanuel Kabongo tiendra l’un des premiers rôles de la nouvelle saison d’une populaire (mais ultrasecrète) série de science-fiction américaine. Il a aussi joué dans quelques courts métrages présentés dans de nombreux festivals. Il se concentre maintenant sur la mise sur pied de sa propre maison de production tout en écrivant le scénario de son premier long métrage. Même s’il a beaucoup de pain sur la planche, il n’en laisse rien paraître quand on discute avec lui. Cela fait tout simplement partie de la vie d’Emmanuel Kabongo – se concentrer, travailler fort et donner le ton pour aller de l’avant et être à la hauteur de ses ambitions. Il va sans dire qu’il représente le choix idéal à titre de narrateur de notre nouvelle campagne. Nous avons récemment rencontré Emmanuel pour parler de famille, de style, de leadership et d’engagement communautaire.

Qui donnait le ton quand vous étiez enfant ? 

Ma mère. J’ai vu ma mère ne jamais abandonner quand elle élevait ses enfants, sans argent et sans maison, mais en faisant tout ce qu’elle pouvait sans jamais s’arrêter, sans jamais baisser les bras. Elle nous a appris ce qu’est l’intégrité, le travail acharné et le respect. C’est ce qui m’a aidé à devenir ce que je suis aujourd’hui. C’est comme ça que j’affronte la vie, que j’aborde le sport et le métier d’acteur. 

Ce que j’essaie d’accomplir avec mes frères et sœurs va au-delà de la richesse et de la gloire. On veut montrer aux gens qu’il est possible de réussir à partir de rien. Tout se peut quand on met du cœur dans ce qu’on fait. On peut inspirer les autres en agissant comme des défricheurs et des bâtisseurs. 

Qui vous inspire dans votre métier d’acteur ? 

Plusieurs des acteurs et actrices que j’aime étaient admirés par ma mère. Et Denzel Washington est l’un d’entre eux. Ma mère louait souvent des films au club vidéo et c’est elle qui m’a fait découvrir Denzel Washington. 

Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Mahershala Ali, Viola Davis et Daniel Day Lewis, j’apprécie ces acteurs parce qu’ils s’immergent dans leur rôle, sans compter Chadwick Boseman, paix à son âme. Ils travaillent d’arrache-pied pour bien interpréter leur personnage et nous faire oublier qu’on est un spectateur tellement on se sent impliqué. Ce sont eux les acteurs qui m’ont vraiment influencé. 

Vous avez vraiment fière allure dans notre campagne. Que signifie avoir du style ? 

Lorsque j’étais enfant, ma mère voyait toujours à ce que nous soyons propres et présentables parce qu’elle voulait qu’on inspire le respect, que nous ayons de l’argent ou pas. Elle ne souhaitait surtout pas que les gens pensent qu’elle ne prenait pas soin de nous. Voilà pourquoi le style se rapporte aussi au respect et à la personnalité. 

La remière fois qu’on m’a donné la chance de voyager pour le travail, j’étais vraiment excité. Le jour de mon départ, ma mère m’a dit : « Il faut que tu portes un complet ». Je ne voulais pas vraiment, mais je lui ai répondu : « Ça va, d’accord ». 

Finalement, je me suis senti bien ainsi vêtu. On est venu me chercher à l’aéroport et le chauffeur m’a conduit directement sur le plateau. Les scénaristes et les producteurs m’ont vu, ils m’ont serré la main et m’ont dit : « Il te va très bien, ce costume ! ». Puis, ils se sont éloignés un moment. Quand ils sont revenus, ils m’ont expliqué qu’ils allaient retoucher quelque peu le texte. Vers la fin de la soirée, j’ai reçu un nouveau script. Ils avaient rehaussé mon personnage et rajouté des répliques parce que je portais un complet. 

Je ne m’habille pas pour attirer les regards. C’est surtout une question de confiance. C’est comme un costume de super-héros. Il m’importe d’être bien mis, peu importe si je prends part à une réunion, si je visite un plateau de tournage ou si je me rends à la plage. Ce que l’on porte donne le ton. 

Quelles sont vos influences vestimentaires ? 

Les classiques hollywoodiens. Humphrey Bogart, Sidney Poitier – des hommes qui ont de la classe et qui savent faire preuve d’élégance. Plus près de nous, j’aime bien le style vestimentaire de Mahershala Ali. Chic et distingué, mais un brin décontracté.

Vous êtes très engagé dans la collectivité. Comment contribuez-vous ? 

Je suis né le jour de Noël et c’est pourquoi on m’a appelé Emmanuel. Cette journée occupe une place importante dans mon cœur. Je suis content de recevoir des cadeaux, mais j’aime aussi en offrir. Depuis quelques années, je prépare des paquets surprises comprenant notamment de la soupe maison, des mitaines, des gants et du chocolat chaud. Je me promène ensuite dans les rues de Toronto en compagnie d’autres acteurs qui me donnent un coup de main pour les distribuer. Je souhaite tout simplement aider les gens qui ont froid, qui ont faim ou qui ont besoin d’une tuque, d’un foulard ou d’une paire de chaussettes. 

Je me suis récemment joint à mon frère qui a organisé un camp sportif appelé WOE G2$. On y a accueilli 30 enfants qui ont pu jouer au basketball, au hockey et au football. Il y avait également des conférenciers qui leur ont parlé de leadership et de l’importance du travail assidu. 

J’aime aussi apporter mon soutien à d’autres acteurs et les aider à progresser dans leur parcours professionnel. Je leur fais part de mes observations ou je leur donne des conseils pour qu’ils dénichent un bon agent artistique ou qu’ils suivent des cours qui leur seront utiles. 

Vous avez pris une part active face aux manifestations qui ont eu lieu cet été. Pourquoi trouvez-vous important de ne pas rester silencieux et de faire entendre votre voix ?  

Il est très regrettable que tous ces hommes et ces femmes noirs aient perdu la vie aux mains de la police. C’est consternant qu’une personne meure, que ce soit en raison de la violence policière ou d’un accident. C’est atroce de mourir de cette façon-là. En tant qu’homme noir, il m’importe de me tenir debout, de défendre ce qui est juste et de faire cause commune contre la brutalité policière. 

Il est aussi important de défendre ce qui est juste de manière constructive. Je suis contre le pillage et contre la violence. Je crois que l’on doit manifester de façon pacifique. Je pense que l’on doit faire entendre notre voix pour que la police et les personnes qui ont le pouvoir de prendre des décisions comprennent que ce n’est pas normal de tuer des gens et qu’elles devraient être tenues responsables. Les policiers devraient être formés convenablement pour savoir comment s’y prendre avec les gens en détresse, souffrant d’une maladie mentale ou issus d’une minorité visible, parce qu’on devrait tous être traités de la même manière et faire preuve de respect les uns envers les autres. 

Que signifie être un chef de file ? 

Comme je suis l’aîné de la famille, j’ai toujours voulu montrer la voie à mes frères et sœurs. Je constate maintenant qu’ils suivent mon exemple car ils reproduisent ce que j’ai fait de bien dans ma vie (et certaines autres choses dont je suis moins fier). 

Être un chef de file exige que l’on dise ce que l’on pense et que l’on ait une oreille attentive. Un bon leader sait que la meilleure façon de communiquer consiste à se faire entendre et à bien écouter ce que les autres ont à dire. Un vrai leader fait preuve d’écoute avant de poser un geste. On a tendance à réagir trop rapidement, à se sentir personnellement visé et c’est difficile d’agir autrement. Lorsque je suis confronté à une situation, j’essaie de garder mon sang-froid. J’ai appris qu’il est bon de se conduire intelligemment. 

Enfin, qu’est-ce que donner le ton signifie pour vous, tant sur le plan personnel que professionnel, à l’heure actuelle et dans l’avenir ? 

Cela veut dire se préparer à ce qui peut survenir. Comme la vie est parsemée d’imprévus, si on ne se tient pas prêt, certaines occasions peuvent nous glisser entre les mains. Il est essentiel pour moi de donner le ton à tout ce que j’entreprends et d’être aux aguets pour pouvoir parer à toute éventualité. Je m’estime très chanceux et privilégié. Mais la chance ne relève pas du hasard, elle nous sourit lorsqu’on est prêt à saisir les occasions. 

Quant à l’avenir, je vais tout bonnement poursuivre dans la même direction. Je vais veiller à rester vif d’esprit et à garder la forme. Un jour, on va voir la lumière au bout du tunnel. Même si l’année 2020 est difficile et remplie d’incertitudes, il importe d’aller de l’avant et de rester optimiste parce que ça va finir par aller mieux. Nous en sortirons plus forts. Le beau temps revient toujours après l’orage.