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Donner le ton – Colm Feore

La légende canadienne de la scène et du grand écran nous fait part de ses observations sur l’art de bien s’habiller et le fait d’avoir une influence favorable.

Par: Jeremy FreedDate: 2020-12-02

Colm Feore est un maître artisan. L’acteur chevronné a passé les quatre dernières décennies à peaufiner son talent, apparaissant dans d’innombrables productions, notamment des films d’action hollywoodiens à gros budget, des joyaux du cinéma indépendant et des pièces de Shakespeare présentées au Festival de Stratford. Qu’il interprète le capricieux Sir Reginald Hargreeves dans la série télévisée Unbrella Academy de Netflix ou le rôle-titre dans Le roi Lear, Colm Feore aborde son travail en se consacrant à cet art qui lui a valu tant d’éloges, une multitude d’admirateurs et une médaille de l’Ordre du Canada parmi plusieurs autres distinctions.

Le travail de Colm Feore lui a permis de battre des records du box-office et de transcender les genres. Il a rendu hommage à l’un des plus grands prodiges musicaux du Canada en tenant le premier rôle du film marquant Trente-deux films brefs sur Glenn Gould en 1993, il a été la tête d’affiche en 2002 de la télésérie de la CBC Trudeau consacrée au premier ministre qui a marqué son époque et il a été l’une des vedettes du film le plus lucratif de l’histoire du cinéma canadien Bon Cop, Bad Cop. Alors que ces rôles ont étendu sa renommée partout au Canada, il a travaillé fort pour gagner le respect des producteurs et des réalisateurs de cinéma au sud de la frontière où il a  obtenu quantité de rôles à la télévision comme au grand écran, notamment dans À la Maison-BlancheHouse of CardsThor et Les chroniques de Riddick.

Tout au long de sa carrière, Colm Feore est néanmoins demeuré fidèle à la communauté théâtrale canadienne. À l’été 2020, il devait inaugurer la nouvelle salle Tom Patterson du Festival de Stratford en interprétant le rôle-titre dans Richard III, une œuvre de William Shakespeare. Toutefois, cette saison du Festival de Stratford a également été victime de la pandémie, un coup terrible tant pour les comédiens que pour les centaines de milliers de festivaliers. Nous avons joint Colm Feore chez lui à Stratford pour discuter de son art, de ses modèles et de l’importance de porter le bon costume, sur scène comme dans la vie.

Qui admiriez-vous à vos débuts ?

Comme je suis un acteur canadien – même si je suis né aux États-Unis, je suis fondamentalement un acteur canadien – je suis chanceux de me trouver à mi-chemin entre les traditions britannique et américaine. Nous, les acteurs, sommes très intéressés à nous inspirer de ces deux écoles de pensée. C’est ainsi que j’observais les grands Peter O’Toole et Anthony Hopkins de ce monde, tout comme les Pacino et De Niro, des gens de théâtre d’une grande compétence qui maîtrisent parfaitement leur art et tout le reste.  C’est ce genre de parcours qui me captivait et que j’essaie encore de suivre.

\ Quels sont vos objectifs professionnels ?

J’ai commencé en ayant un profond respect pour les intentions de l’auteur et je l’ai toujours conservé. C’est l’essentiel de mon travail. Quelle est l’intrigue ? Et comment puis-je servir au mieux cette histoire ? Les gens pensent parfois que le métier d’acteur attire surtout les narcissiques et les égocentriques. Bien que ce soit essentiellement vrai, l’un des grands avantages de se concentrer sur les intentions de l’auteur est que cela allège notre fardeau. Nous sommes au service d’une idée. Et je trouve cela vraiment intéressant.

En tant que personne qui comprend la valeur d’un bon costume, comment abordez-vous votre style personnel ?

J’ai longtemps porter un jean et un t-shirt noir. J’étais tellement terne, c’en était effrayant ! J’ai toujours voulu avoir du style, mais j’étais trop craintif pour essayer n’importe quoi d’autre. Puis, j’ai atteint un certain âge et j’ai senti que j’avais besoin d’un peu de couleur dans ma vie, sinon j’allais devenir hyper ennuyant. Je me suis alors tourné vers mon créateur de mode préféré, Paul Smith, qui cache toujours une touche de couleur quelque part. À partir de là, mes goûts se sont diversifiés et j’ai commencé à apprécier John Varvatos et à devenir un peu plus courageux. Je ne dirais pas que je suis en train de devenir cool, mais mon style est beaucoup moins fade.

Qui a un style vestimentaire que vous appréciez ?

J’admire beaucoup le style de Jeremy Irons. J’ai eu la chance de jouer avec lui dans une série télévisée à Budapest il y a longtemps. J’ai toujours adoré la façon dont il noue un foulard, conduit une motocyclette ou porte un veston bizarrement coupé. Il y a aussi Idris Elba qui est toujours bien vêtu. Je ne vais pas copier aveuglément le style vestimentaire de quelqu’un, mais je vais emprunter certains éléments qui me plaisent et personnaliser le tout.

En tant qu’acteur principal de la compagnie théâtrale du Festival de Stratford, vous sentez-vous responsable de donner l’exemple ?

C’est toujours une question de mentorat. On reprend souvent les meilleures idées des générations antérieures. C’est la seule façon d’apprendre le métier. Je crois donc qu’on a la responsabilité de montrer tout ce que l’on sait. Pour respecter le sentiment de vulnérabilité lié à l’art théâtral, il faut un esprit d’équipe qui permet de mettre les bonnes idées en valeur, de rejeter les mauvaises idées et de vraiment encourager les gens parce que c’est un métier qui peut faire peur. On doit jouer devant des centaines ou des milliers de spectateurs, mettre son cœur à nu et livrer les états d’âme de l’auteur. Et c’est bien quand nos amis et nos collègues épousent cette vision.

Comment vont les choses à Stratford à l’heure actuelle ?

En ce moment, c’est la catastrophe. Au mois de mars, on répétait une pièce pour la saison du Festival et ça allait vraiment bien. Puis tout s’est arrêté. On s’est dit : « ça va durer quelques semaines et on va pouvoir reprendre les répétitions ». Ça fait huit mois et il ne se passe toujours rien.

Comment aidez-vous votre communauté en ces temps difficiles ?

L’absence de 500 000 touristes pèse lourd à Stratford. L’atmosphère est très tendue et la situation est très préoccupante dans le milieu théâtral et dans la ville, tant au point de vue culturel qu’économique. On fait ce que l’on peut tout en demeurant isolé et en sécurité. On a reçu des gens dans la cour arrière tout en maintenant la distanciation physique pour prendre un verre et discuter, mais surtout pour témoigner notre sympathie et entendre ce qu’ils avaient à dire.  Comment vous en sortez-vous ? Avez-vous de bonnes idées ? Que faites-vous pour passer le temps ? Parallèlement, pour ce qui est de la communauté, on tente de faire le nécessaire. On prépare beaucoup de plats pour emporter et quand quelqu’un propose un projet intéressant, on s’empresse d’y participer. Stratford est toujours là. On tient compte de toutes les bonnes idées, mais je ne vous mentirai pas, on vit des moments très difficiles sur les plans émotionnel, économique, intellectuel et artistique.

Qui admirez-vous le plus à cette étape-ci de votre parcours professionnel ?

Mon modèle, c’est Anthony Hopkins. J’ai eu le privilège et le plaisir de travailler avec lui à quelques reprises. Ce que j’aime de lui, c’est qu’il veut travailler et qu’il continue à le faire. Il est toujours bien préparé, il s’implique et il est généreux. Il est prêt à faire part de ses idées, à donner des conseils et à faire son travail du mieux qu’il peut. Quand je l’ai vu faire tout cela, je me suis dit que c’est en agissant ainsi qu’on peut avoir une longue et heureuse carrière.

Que faites-vous pour donner le ton, tant sur le plan personnel que professionnel ?

J’ai toujours pensé et, en fait, c’est un principe fondamental, que ça ne coûte rien d’être aimable. Commençons donc par cela. Surtout ces temps-ci où les avis sont très partagés. Il faut écouter les autres et avoir l’esprit ouvert. Je crois que c’est la première étape vers une compréhension et un respect réciproques. Quand on est acteur, on côtoie d’autres personnes et en tant qu’équipe, on doit réussir à s’entendre et collaborer pour atteindre un but commun. Je suis persuadé que la politesse et la bienveillance contribuent à ce que tout se déroule bien.\ \ Colm Feore photographed in Stratford at a local clock store - Antiques in Time.